Nous avons vécu un an et demi dans la salle A13, celle de monsieur Kempf. Nous nous souvenons de chaque détail, la petite armoire remplie de photocopies, le calendrier illustré de photos de paysages sur papier glacé, et le fameux hibou rose pâle décapité, qui sert de fourre-tout à notre professeur de LCA, implacable et passionné. Le jour J était enfin arrivé, nous allions partir à Rome le lundi 20 janvier 2020, à la fois impatients et épuisés de la courte nuit que nous avions passée la veille, à se poser sans cesse l’existentielle et angoissante question « n’ai-je rien oublié ? ».
L’avion EasyJet classe économique décolla à 7h20 de l’aéroport d’Orly ; et tandis que nous nous perdions dans les nuages cotonneux d’un ciel encore endormi, nous quittions la France. Nous survolâmes les lumières de Paris, éclairant nos regards émerveillés face à ce spectacle incandescent, les champs de blé dorés au lever du soleil chatoyant nos yeux cernés, et les montagnes enneigées des Alpes, brillantes, scintillantes de leur divine clarté de cristal diaphane.
Nous arrivâmes à Rome vers 9h15, et ceux qui avaient mis leur bagage en soute les cherchèrent désespérément sur les tapis roulants de l’aéroport Fiumicino. Après le transport en autocar et la trouvaille inespérée du restaurant « Le Terme del Colosseo », nous pûmes enfin manger.
« Les pizzas étaient délicieuses. » Dixit S.
L’après-midi, nous avons brièvement visité quelques monuments, comme l’extérieur du Colisée, la basilique San Pietro In Vincoli… puis nous sommes rentrés à l’hôtel, avant de ressortir le soir avec un programme sobrement intitulé « Rome by Night », où nous avons pu nous balader dans la ville éternelle sous un ciel sombre mais sans nuage, près de la fontaine de Trevi et des rues entremêlées de monuments, de temples, et d’un obélisque représentant un éléphant affublé d’une trompe bien trop longue, ce qui eu au moins le mérite de faire rire certains d’entre nous, prenant des photos de monsieur Kempf devant.
« J’ai bien aimé la fontaine de Trevi, c’était beau, impressionnant. » Dixit T.
En arrivant devant la fontaine de Trevi : « Ah mais c’est trop stylé ! » Dixit L.
En arrivant devant l’obélisque : « Alors vous voyez, c’est pas très beau. » Dixit Kempf
Un lundi bien rempli donc.
Le soleil se lève à peine lorsque nous prenons notre petit-déjeuner équilibré et sain, composé de croissants à la crème et de beignets saupoudrés de sucre glace. De la terrasse nous pouvons admirer la vue sur Rome, où se dessine ombre et lumière dans un contraste marqué. La matinée sera rythmée par une visite libre du Colisée et par une multitude de séances photos tous les cinq mètres.
« C’était impressionnant car c’était grand, nous sommes allés dans l’arène alors que c’était interdit. » Dixit R.
Après un repas fort dépaysant constitué d’une quatre fromage accompagnée de frites, nous parcourons le forum Romain, lieu où ruines de pierres aux formes anguleuses côtoient les temples en marbre de Castor et Pollux, Vesta, et Saturne, dans une harmonie fascinée par ce règne minéral. Alors nous prenons des photos, des vidéos, des souvenirs avec des téléphones, des appareils photos ou encore une perche à selfie rose poudré, achetée dans les environs avec un petit objet lumineux qui s’envole, et dont l’utilité reste à ce jour indéterminée. Après cela nous nous rendons à la bouche de la Vérité, attrape-touristes qui nous coupera la main si nous avons déjà menti un jour. Nous repartons tous avec des moignons. Un mardi bien rempli donc.
Le troisième jour commence avec notre venue dans les musées Capitolins, où nous pouvons admirer une louve en bronze nourrissant Romus et Romulus, un empereur de marbre déguisé en Héraclès, une diseuse de bonne aventure en train de dérober subtilement la bague d’un simple d’esprit envoûté par la beauté de cette femme, ou encore les murs décorés de peintures et tapisseries de quelques salles.
« J’ai laissé mon cœur à Rome, plus précisément à l’entrée de la Villa Médicis. » Dixit B.
L’après-midi s’ensuivit d’une visite guidée de la Villa Médicis, où plusieurs artistes résidèrent et apportèrent leur grain de sel, notamment celui qui écrasa des papillons sur un camaïeu de gris ombragé, au plafond d’une salle accessible uniquement par quelques dizaines de marches d’un escalier en colimaçon, ce qui acheva certains d’entre nous. Puis, nous marchons dans les jardins habillés de statues expressives mais pétrifiées, comme celle de Niobée, qui s’est vanté de sa fertilité et en a payé le prix en voyant tous ces enfants mourir sous les flèches d’Apollon. Nous voyons aussi quelques salles aux fresques secrètes, lieux de rencontres ambiguës mais passons. Nous terminons par la gypsothèque, où le Torse du Belvédère y est exposé, pièce maîtresse de cette salle peinte en bleu pastel remplie de sculptures. On ne peut pas dire que nous restions de marbre. Enfin, nous profitons de la vue d’ensemble sur l’horizon, figeant un instant de notre voyage, et nous laissant avec un sentiment d’incroyable fascination. Le moment le plus attendu du séjour arriva : la fameuse séance de shopping.
« Moi-même, dans mon immense souffrance, j’ai assisté à un shopping chez Kiko avec mes congénères féminines, avant de recevoir des dizaines de demandes de jeunes filles qui voulaient que je leur achète du Prada, du Dior, du Chanel… alors que je n’avais pas l’argent » Dixit J.
Kiko, DisneyStore, Bershka, en passant par la boutique de l’AS Roma, nous ne nous posons pas la question « est-ce que ça va rentrer dans ma valise ? ». Nous rentrons harassés à l’hôtel mais néanmoins nous gardons assez d’énergie pour danser sur Aya Nakamura à fond, regarder « Italia’s Got Talent », ou faire une messe noire. Un mercredi bien rempli donc.
Nous en sommes maintenant au dernier jour, les valises sont bouclées, nous quittons nos chambres avec une certaine mélancolie, nostalgiques du chauffage trop puissant, des lits faisant office de trampolines et du Wifi presque inexistant. Ce matin, c’est le musée des Barberini, nous prenons en photo les différents tableaux et créations exposés, particulièrement « La Fornarina » de Raphaël, œuvre étudiée en classe et magnifiquement dessinée pas monsieur Kempf, puis sommairement coloriée par ses élèves. Après un passage dans le Panthéon de Rome, un repas animé dans le restaurant « Oste al Falcone », et une longue marche vers la Cité du Vatican, nous voyons au loin s’esquisser le toit de l’illustre et immortelle Basilique Saint-Pierre. A l’intérieur, des ornements, des peintures, tout nous ébloui dans ce lieu de culte décoré de ses fresques et de ses dorures, reflétant l’étincelle d’un soleil passant par quelques trous de lumière ardente, embrasant d’un éclatant feu d’artifice nos regards animés d’une stupéfaction enflammée. Un trajet de métro plus tard, c’est l’heure du départ. L’autocar, la vue sur la ville de nuit…
« Waouh, toutes ces lumières, c’est magnifique. Symbole du capitalisme omniprésent. » Dixit R.
Le trajet en avion se fait sans encombre, mis à part l’atterrissage un peu brusque à Paris Orly. Nous allons retrouver la salle de monsieur Kempf, la petite armoire remplie de photocopies, le calendrier illustré de photos de paysages sur papier glacé, et le fameux hibou rose pâle décapité, qui sert de fourre-tout à notre professeur de LCA, implacable, passionné et unique. Tout ne sera plus comme avant, nous avons des souvenirs, des photos, des vlogs, et une magnifique perche à selfie rose poudré ainsi qu’un petit objet lumineux qui s’envole. Nous n’avons pas braqué de banque, mais nous savons tous que nous n’oublierons jamais ce voyage, fait d’émotions, de pizzas et de blagues puériles. Nous partons, mais nous gardons dans le cœur tous ces moments avec l’espoir d’y revenir un jour, peut-être… Un voyage bien rempli donc.
Nous nous laissons sur quelques citations croustillantes des élèves :
« J’ai aimé manger des pizzas tous les jours, mais on a beaucoup marché. » Dixit R.
« On a pris beaucoup de photos pour Instagram. » Dixit M.
« C’était génial, il y avait un beau ciel bleu et des goélands. » Dixit L., l’italienne de la classe
« J’ai envie d’y retourner… » Dixit F.
« SPQR. » Dixit W.
« Messe noire, poker, enterrements, on aura tout vu. » Dixit R.
« On est venu, on a vu Rome. » Dixit J.
« On a mangé des glaces en janvier en chantant Côte Ouest et la Reine des Neiges dans la rue. » Dixit L.
« Nous avons quitté Rome et le soleil avec une profonde mélancolie mais le sentiment d’avoir vécu une expérience éternelle, inoubliable et sensationnelle. Nous espérons y revenir un jour… » Dixit la classe de LCA
Texte de Gandin-Ezran